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pure, tout à fait parnassienne, est bien celle d’un romantisme classique. Invariable partisan du spiritualisme chrétien et du républicanisme libéral, il a eu pour maîtres de sa pensée et de son style, pour illustres amis, Victor Hugo, Théophile Gautier, Leconte de Lisle, Théodore de Banville, Sainte-Beuve, Michelet, Quinet, Victor de Laprade.



LA VIE HARMONIEUSE


Jadis j’aurais vécu dans les cités antiques,
Svelte comme un héros, plus libre qu’un vainqueur,
Et tous mes jours, pareils aux visions plastiques,
Se fussent déroulés noblement comme un chœur.

Là, j’aurais contemplé l’avenir et la vie
Sur le blanc piédestal de la sérénité,
Sans élan surhumain, sans orgueilleuse envie,
Heureux d’un idéal visible et limité.

J’eusse borné mes vœux et mesuré mon rêve
Au soleil fugitif, au mois, à la saison,
A tout ce qui se voit, à tout ce qui s’achève,
Aux contours arrêtés d’un petit horizon.

J’eusse été citoyen de quelque république
Songe de Pythagore, œuvre d’un Dorien,
Harmonieux État réglé par la musique,
Où la loi se conforme au rythme aérien.

Puis, dans une agora, j’aurais avec ivresse
Admiré longuement les poses et les sons
De ces beaux orateurs dont la phrase caresse
L’oreille inattentive aux rigides leçons,

Et devant la tribune, étendu sur le stade,
J’aurais senti descendre à moi, sous un ciel clair,
Le flot sonore et pur qu’épanche Alcibiade,
Et monter le murmure éloquent de la mer.

O la vie adorable, élégante et facile !
Du lierre sur le front, des myrtes dans les mains,
Les jardins embaumés où le sage s’exile,
Et l’accueil de la flûte au détour des chemins !