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XIII
PRÉFACE

t-elle retenu de l’apport musical que le rythme, dont le bercement favorise la rêverie sans en dominer et effacer l’objet.

Ainsi le rythme est ce qui caractérise le vers et le distingue de la prose par sa régularité. La poétique est née du discernement que l’oreille a fait des divers modes dont il est susceptible dans un corps de mots. Il est donc très vrai, et l’histoire littéraire en témoigne, que la poétique est perfectible. Mais dans quel sens et dans quelles limites ? Les philologues ont beau regretter que, depuis le XVIe siècle, les générations successives aient conservé l’habitude de respecter, dans notre poétique, des règles déterminées par la prononciation d’alors, bien que celle-ci ait changé ; qu’y faire ? Il eût sans doute fallu changer en même temps ces règles. On ne le peut plus : dans les arts, l’habitude est un facteur de la jouissance qu’ils procurent. Eût-on pour soi la raison, si cette jouissance est atteinte, fût-ce momentanément, par une réforme, les artistes et leur clientèle y répugnent. Quant à moi, je n’épouse pas le regret des philologues : quels que puissent être les changements survenus dans la prononciation, elle est telle aujourd’hui que la mesure du vers est, à mon avis, prescrite par une loi physiologique, celle du moindre effort, soustraite au caprice du versificateur. J’ai essayé de le démontrer ailleurs[1]. Étant données les conditions du plaisir dans le langage poétique, j’ai lieu de penser que la tech-

  1. Mon Testament poétique.