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VI
ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANCAIS

Chénier. Il faut attendre les Méditations de Lamartine publiées en 1820 pour constater le premier stade bien accusé et décisif de cette révolution dont l’influence a été d’une portée si longue que, durant tout le siècle, les vers lyriques ont gardé comme un écho de l’harmonie des siens, et je ne sais si le retentissement s’en doit jamais éteindre. Après lui, Alfred de Vigny ouvre des voies, nouvelles aussi, où devait s’élancer l’école romantique. L’allure hautaine de ses vers contraste avec le petit trot régulier des rimeurs du premier Empire par la qualité indéfinissable, nommée la distinction, qu’il possède au suprême degré. Victor Hugo innove à son tour avec la hardiesse d’un génie souverain. Il affranchit l’alexandrin de ses vieilles lisières ; il en rompt les hémistiches au profit de l’expression passionnelle. Alfred de Musset caresse, taquine ou fait soupirer la lyre avec une grâce, une aisance, un abandon charmant et un accent poignant. Il représente par excellence, et mieux que nul autre poète contemporain, l’esprit français. Béranger, si gaulois, manque trop d’élégance pour l’égaler en cela, mais l’art du spirituel chansonnier est peut-être supérieur à celui de l’auteur des Nuits. Je m’étonne que, à ce point de vue purement technique, Béranger ne soit pas plus souvent cité et loué par les spécialistes, car il faut avant tout du naturel dans l’expression de la gaieté, et rien n’est plus difficile que de faire oublier le travail dans la versification. Je pourrais citer plusieurs autres noms célèbres : Théodore de Banville, Auguste Barbier, Victor de