Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les uns comptaient l’an 1000 du 25 mars 999 au 24 mars 1000 (c’est ce qu’on appelle le calcul pisan) ; les autres, du 25 mars 1000 au 24 mars 1001 (c’est ce qu’on appelle le calcul florentin)[1]. Les trois systèmes que nous venons de rapporter avaient du moins cet avantage que les différentes années étaient d’une égale durée. Au contraire, cette durée n’avait rien de fixe suivant un autre usage qui consistait à ouvrir l’année avec la fête de Pâques. Il y a, en effet, entre deux Pâques consécutives, tantôt moins de douze mois, tantôt plus, puisque les points extrêmes entre lesquels cette fête peut varier sont le 22 mars et le 25 avril. Une même année pouvait donc avoir deux mois d’avril presque complets. En 1347, par exemple, Pâques tomba le 1er avril, et l’année suivante cette fête n’arriva que le 20 avril. On risque donc de commettre une année d’erreur pour tous les actes datés des dix-neuf premiers jours d’avril 1347, et qui n’indiquent pas auquel des deux mois d’avril la date appartient. On ne peut préciser l’époque à laquelle remonte l’usage de commencer l’année avec Pâques, mais on sait qu’il existait déjà au vie siècle, et qu’il a duré jusqu’à l’édit de Charles IX, donné au mois de janvier 1563. Cet édit, qui fixe au 1er janvier le commencement de l’année, fut adopté par le parlement de Paris en 1567. La Hollande et l’Allemagne avaient devancé la France dans cette réforme. Mais l’église de Beauvais ne s’y conforma qu’en 1580. Il faut donc, même pour les temps postérieurs à l’édit de Charles IX, consulter les usages des localités. Si l’on avait toujours attaché un sens rigoureux aux différentes expressions dont on s’est servi pour désigner les années de l’ère chrétienne, il serait facile de reconnaître à quelle époque répondait le commencement de l’année dans les dates qui renferment les formules anno à Nativitate, anno Incarnationisou Trabeationis[2], anno Circoncisionis. L’ère de la Nativité commencerait nécessairement au 25 décembre, celle de l’Incarnation au 25 mars, et celle de la Circoncision au 1er janvier. Mais on a souvent confondu l’ère de la Nativité avec celle de l’Incarnation, en sorte que la plupart du temps les formules de dates qui renferment ces mots ne signifient rien de plus que les formules anno Domini, anno Gratiæ[3]. Ce dernier terme, devenu si ordinaire dans les derniers siècles, se rencontre pour la première fois peut-être dans un acte

  1. Nous devons avertir que Grégoire de Tours et d’autres écrivains du vie et du viie siècle ont quelquefois commencé l’année avec le mois de mars, comme les premiers Romains du temps de Romulus. Mais Grégoire de Tours ne suivait pas toujours ce calcul, puisque, après avoir appelé le mois de juillet le cinquième mois, il donne le même nom au mois de mai. Voy. liv. IV, chap. iv et xxxv. Enfin on trouve dans une lettre du clergé de Liège au clergé de Trêves l’exemple d’un commencement d’année fixé au 18 mars.
  2. Le mot trabeatio s’explique par trabea carnis indutus, et doit être regardé comme synonyme d’incarnatio.
  3. Les variations sur la manière de commencer l'année furent si fréquentes qu'il serait impossible