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l’intervalle qui s’écoulait depuis le jour de cet avènement jusqu’à la fin de l’an 1000, et que l’on faisait commencer la seconde année de son règne avec le premier jour de l’an 1001 ; ou bien, par un calcul inverse, on ne tenait aucun compte de cette portion de l’an 1000, et l’on prolongeait la première année du règne jusqu’à la fin de l’an 1001. Ces dates deviennent plus vagues encore quand on se borne à indiquer le nom du prince sans y ajouter les années du règne. Cependant il est quelquefois possible de les déterminer à l’aide de circonstances historiques fournies par le texte même de l’acte.

Enfin il n’est pas rare non plus de trouver des diplômes dont la date consiste dans la simple énonciation d’un fait historique. Il en est d’autres où ces faits se trouvent réunis à une des formules de date qu’on emploie ordinairement : ils servent alors comme moyen de vérification. Rien de plus ordinaire que de rencontrer des actes datés de telle année après la mort d’un prince ou d’un personnage célèbre. On prenait aussi pour époque un événement remarquable, tel qu’une victoire, un mariage, un couronnement. Sous le règne de Louis d’Outremer, une charte de l’abbaye de Cluni ajoute, après les dates ordinaires : Litigante rege Hludovico vum Hugone nobilissimo marchione. Si l’on pouvait douter de la profonde impression que les croisades firent sur les esprits, on en trouverait des preuves dans des chartes datées de la venue de l’ermite, du départ pour la terre sainte, de la prise de Jérusalem, etc. Il serait impossible d’énumérer tous les exemples que fourniraient les monuments des différents siècles. Des faits de tout genre se trouvent ainsi consignés dans les dates. Tantôt c’est un traité de paix, tantôt c’est l’apparition d’une comète ou la persécution d’un évêque, etc. Parmi ces dates, il en est qui tiennent à des coutumes locales. C’est ainsi que, dans la principauté d’Orange, une foule de contrats sont datés de l’administration des commandeurs de l’hôpital de cette ville. Dans d’autres pays les formules chronologiques d’un acte rappelleront une tradition superstitieuse. Voici en effet ce qu’on lit dans le Nouveau Traité de diplomatique :

« Depuis l’an 1284 les habitants d’Hamelin, au duché de Brunswick, datent de la sortie de leurs enfants, à filiorum nostrorum egressu. Cette époque est fondée sur une fable qui porte que les enfants depuis l’âge de quatre jusqu’à dix ans, ayant été tirés de la ville par les enchantements d’un magicien, n’y reparurent plus. »

Nous devions citer en passant, comme un fait curieux, l’introduction des événements historiques dans les formules chronologiques des actes. Mais on conçoit qu’il faudrait, pour résoudre les difficultés qui se rattachent à ce genre de dates, transporter l’histoire tout entière dans un traité de paléographie.