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UNE CAPITULATION


cela il va vous photographier.
Le Chœur. — Que faut-il faire ?
Gambetta. — Hissez Nadar sur l’autel de la République.
   En quelques instants, Nadar se trouve dressé sur l’autel de la République. Le chœur fait fonctionner le soufflet sur la cadence de la musique militaire.
Gambetta. — Du courage ! Soufflez, soufflez, citoyens de la capitale,
————iCar il faut que Nadar soit entièrement gonflé.
————iSon ventre est déjà plein de gaz.
————iCe n’est qu’un amusement pour lui.
Le Chœur, soufflant. — De l’air ! De l’air ! Ô fils du ciel !
————————-nVoilà Nadar qui se gonfle avec l’air de Paris.
————————-nAvec la lumière
————————-nIl copie notre physionomie.
————————-nEt dans les airs
————————-nIl remplace le télégraphe.
   Le ballon étant entièrement gonflé, Nadar s’élève dans les airs et regarde sur la scène à l’aide d’une lorgnette.
Nadar. — La nacelle, la nacelle !
Gambetta, mêlé au chœur. — Où l’as-tu mise ?
Nadar. — Il faut que je redescende. Tirez sur la corde. La nacelle ? Mais, voyez-vous, c’est l’emblème de la République.
   Il sort à moitié de son ballon pour saisir sur l’autel le bonnet phrygien qu’il allonge en forme de nacelle et qu’il attache au ballon à l’aide de ficelles.
Je prends la hache pour le cas où j’aurais besoin de couper le câble.
Le Chœur. — Quel esprit inventif, quel esprit inventif !
————cComme il sait se tirer d’embarras.
————cNadar, Nadar,
————cAigle libre…
————cAvec le bonnet de la République il fait une gondole.
————cVoilà qui enfonce les tours de Blondel !
NadarAll right ! Viens-tu, Gambetta ?
   Gambetta monte dans le ballon.
Le Chœur. — Eh bien ! En route ! En route !
Gambetta. — Citoyens…
Nadar. — Attends un peu que nous nous élevions suffisamment. Lâchez la corde. (Le ballon s’élève) Bon, ça va ! Songe, surtout, que l’Europe a les yeux fixés sur nous. (Il rentre sa tête dans le ballon)
Le Chœur. — Ah ! c’est grandiose, c’est merveilleux ! Un ballon ferait très bien dans notre opéra, n’est-ce pas, Perrin ?
   Perrin note ce détail sur son carnet.
Gambetta, chantant. — La liberté n’existe plus. Le monde n’est plus peuplé que de maîtres et d’esclaves. (Parlant) C’est ainsi que chante un poète de cette nation asservie par un tyran qui nous envahit au-