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UNE CAPITULATION


La République sera sauvée.
Mottu. — Et l’Athéisme ?
Perrin. — Pour cela, l’Opéra sera plus efficace qu’un décret.
Le Chœur. — Bravo ! Bravo ! Bis ! Bis !
Ferry, avec une emphase dramatique. — Regardez ! Jules, le plus grand des Jules, tape du pied et sanglote à faire pitié. (Écoutant ce qu’il dit) Écoutez, citoyens, Favre s’insurge, il vous supplie de renoncer à l’Opéra, vraiment trop frivole. Qu’avez-vous fait, Simon ? Cela ne vous aurait pas coûté beaucoup de décréter l’Athéisme.
Dollfus. — C’est ce que je pense.
Simon. — Ce ne sera pas si compromettant que vous le pensez.
Ferry. — Comment ! Mais tous les théâtres sont devenus des ambulances.
Lefèvre. — Tant mieux pour les malades, cela les amusera !
Le Chœur. — Ça les guérira.
Ferry. — Il faut économiser le gaz.
Le Chœur. — Bah ! il y aura toujours de l’huile. Des lampions ! Des lampions !
Ferry, se faisant souffler la réplique par Favre. — Mais les costumes légers ? Les épaules déshabillées ? La République ne peut vraiment pas paraître ainsi devant l’Europe qui assiste à ses répétitions générales ?
Lefèvre. — Elle s’enflammera et accourera pour la sauver ! Des centaines d’armées viendront balayer les Prussiens et saluer la République.
Dollfus. — Pas si mal !
Perrin. — Citoyens, le problème est résolu. Nous représenterons Robert et Guillaume Tell en habit noir et en gants blancs.
Le Chœur. — Et les dames ? En habit aussi ? Nous acceptons…
On entend Favre qui tape du pied.
Ferry. — Ne dites pas de ces choses qui rabaissent le sexe.
Perrin. — Citoyens, suivez-moi bien. Si nous sauvons l’Opéra, la République sera sauvée du même coup. Mettons-nous donc d’accord en faisant un petit sacrifice : les dames chanteront en coslumes noirs tout simples et montants.
Le Chœur, méprisant. — Ah ! Ah ! Fi donc !
Keller. — S’il en est ainsi, j’aime mieux renoncer à ma qualité de Français.
Ferry, — Le Grand Jules est content.
Simon. — Débrouillez-vous comme vous l’entendrez, mais ce n’est pas de cette façon que vous sauverez la République. Personne au monde, sauf peut-être la Suisse et le Pape, ne voudra intervenir pour un opéra en costume noir et des quinquets remplis d’huile.
Mottu. — Décrétez l’Athéisme, vous dis-je, et Garibaldi mangera à la croque-au-sel tous ces cléricaux de Prussiens !