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UNE CAPITULATION

Voix sourdes, venant d’en bas. On distingue, amplifiées par un porte-voix, ces paroles :
Victor ! Victor ! Viens avec nous !
Hugo. — D’où viennent ces voix ? Ces cloaques seraient-ils habités ? J’ai entendu mon nom. (Se penchant vers l’ouverture d’où il a surgi au début de la scène) Y a-t-il quelqu’un, là-dedans ?
Les Voix. — Oui, viens avec nous, Victor, viens avec les génies qui veillent sur la ville.
Hugo. — Comment donc vous appelez-vous, vous tous dont les voix ont un murmure si sympathique ?
Une Voix. — Flourens, répond !
La Voix de Flourens. — Victor ! Victor ! Encore une fois viens avec nous qui sommes les entrailles de Paris, viens !
Hugo. — Que faire ? Que faire ? Oh ! ne pouvoir être à la fois en deux endroits différents ! Mais... j’entends la Marseillaise !
On entend en effet dans le lointain la Marseillaise exécutée par la musique militaire.
La Voix de Flourens. — Que t’importe ! Viens avec nous !
Hugo. — Ah ! cette Marseillaise m’enchante ! Que serait-ce si j’étais musicien ! Je la reconnais d’une lieue, elle fait courir des frissons de volupté dans toute mon âme ?
Les Voix. — Eh bien, Victor, te décideras-tu ? Il ne sera bientôt plus temps.
Hugo. — Oui, oui, je viens. Mais accordez-moi encore quelques instants pour jouir de cette harmonie si puissante dont j’ai été privé si longtemps.
   Le chœur de la garde nationale s’avance en chantant dans la direction de l’autel érigé au milieu de la scène.
République ! République ! blique ! blique !
Répubel — Répubel — Répubel — blique ! blique !
Répubel — pubel — pubel — pupube — pupube République, etc.
Mottu. — Halte ! Hommage à Strasbourg.
Tous les soldats s’inclinent devant la statue.
Mottu. — Présentez l’arme ! Où est l’alsacien pour chanter l’hymne ?
Keller, (en caporal). — Ici !
Mottu. — Avancez ! Chantez !
Keller, s’avançant et s’exprimant en patois alsacien. —
Ô Strasbourg ! Ô Strasbourg ! toi, ville admirable, etc.
   Pendant que s’échangent ces paroles, le chœur des soldats défile devant la statue de Strasbourg en lançant avec grâce des fleurs sur ses genoux.
Mottu. — À présent : Jurez !
Keller. — Schuré ? Il n’est pas encore arrivé.
Mottu. — Bête d’alsacien ! J’ai dit : Jurez !
Keller. — Ciel ! Croix ! Tonnerre ! Sacrelot !