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ACTE DEUXIÈME

Que je n’osais effleurer d’un désir,
Mais qui fit naître, dans mon âme,
Une immortelle et sainte flamme ;
En serviteur loyal,
Tu me l’as amenée en mon castel royal. —
Et maintenant, que mon âme sensible,
À la douleur n’est que trop accessible,
Lorsque mon cœur connaît le prix ;
De la beauté, dont il était épris,
D’une chaste et pure tendresse,
C’est toi, Tristan, toi, fils cruel,
Toi, dont la main me blesse ! —
Pourquoi m’abreuves-tu de ce poison mortel,
Qui m’embrase le sang, me brûle et me consume,
En torturant mon cœur et mon esprit ? —
Pourquoi m’imposes-tu cette affreuse amertume
De me glisser dans l’ombre de la nuit.
Pour t’épier et te demander compte
De mon honneur, de mon bien le plus cher ! —
Tu me fermes le ciel, et tu m’ouvres l’enfer ;
Tu me prends mon amour et tu me rends la honte !
Comment as-tu conçu l’horreur de ce forfait ? —
Ô monstrueux mystère !

TRISTAN,
levant vers Marke un regard de pitié.

Ô roi, je dois, hélas, me taire,
Tu ne dois pas connaître mon secret.

Il se tourne vers Yseult qui le regarde avec passion.

Yseult ! Tristan s’exile.
Suivras-tu son destin ?
Il va chercher asile,
Dans un pays lointain ;
Dans un pays où règne l’ombre,
Où tout est noir, où tout est sombre ;