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ACTE PREMIER


TRISTAN.

Y tenez-vous ?

YSEULT.

Y tenez-vous ? As-tu sondé ton crime ? —
Morold et moi, nous étions fiancés,
Sa gloire à lui, c’était ma gloire ;
Le même coup tous deux nous a blessés,
Car c’est pour moi qu’il briguait la victoire ;
En le frappant tu m’as frappée au cœur,
C’est pourquoi j’ai juré, te lançant l’anathème,
Si nul n’osait se faire mon vengeur
De me venger un jour moi-même ! —
Pâle, mourant et tout près du trépas
Je t’ai tenu sans défense en mes bras,
Je t’ai sauvé, car ma vengeance est lente,
Pour te faire frapper, dans ta force insolente,
Par l’homme que j’aurais choisi : —
Le sort qui t’attend, tu dois le connaître,
Puisque tous, avec toi, sont d’accord aujourd’hui,
Qui doit frapper le traître ?

TRISTAN,
pâle et sombre, lui tendant son épée.

Si Morold vous était si cher,
Tenez, prenez ce fer,
Frappez d’une main ferme et sûre,
Vengez sa mort et vengez votre injure.

YSEULT.

Quel outrage ferais-je à ton ami royal !
N’insulterais-je pas le roi Marke en personne,
Si j’immolais le serviteur loyal
Qui lui conquit sa terre et sa couronne ? —
Suis-je, à tes yeux, un présent si banal