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ACTE PREMIER


BRANGAINE.

Qu’entends-je ? — aveuglement étrange ! —
Celui que nous avons guéri…

YSEULT.

Tu viens d’entendre sa louange :
» Gloire au héros Tristan ! « — C’est lui, l’ingrat, c’est lui ! —
Des bienfaits d’Yseult, à l’en croire,
Il devait garder la mémoire.
Apprends, comment
Un héros tient son serment ! —
Tantris parti, — grâce à ma connivence, —
Tristan revint, plein d’arrogance.
D’un front hardi, d’un air hautain
Il venait demander ma main
Au nom du vieux monarque,
Son oncle : le roi Marke. —
Morold vivant, nul certes n’eût osé
M’infliger cette indigne offense ;
Jamais on ne m’eût proposé
Le déshonneur d’une telle alliance !…
Ô rage vaine ! ô stérile remord !
Moi-même j’ai fixé mon sort !
Je pouvais le frapper… ; j’ai trahi ma vengeance,…
Et maintenant, — destin fatal ! —
Je suis l’esclave d’un vassal !

BRANGAINE.

Lorsque tout un peuple en liesse,
Fêtait, avec ivresse,
L’hymen qui lui donnait la paix,
Pouvais-je soupçonner ta peine et tes regrets ?

YSEULT,
s’apostrophant avec fureur.

Ô cœur sans force, sans vaillance,