Page:Wagner - Sur les Poèmes symphoniques de Franz Liszt, 1904, trad. Calvocoressi.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 35 —

chante leur admiration, après avoir constaté combien étaient intelligibles et claires pour eux ses œuvres, qu’on leur avait représentées mm informes et arides. Il vous souvient que cela me confirma dans la bonne opinion que j’avais du public, à qui j’estime qu’il ne faut demander qu’une chose : se laisser aller à un entraînement subit qui l’élève au-dessus du niveau habituel de ses sentiments. Mais cet entraînement reste temporaire et ne saurait avoir aucune réaction sur la vie quotidienne, précisément parce qu’il est d’une violence foncière et extrême.

La seule satisfaction que l’artiste doive attendre du public, c’est la conscience que cet entraînement a été subi. Mais il ne faut pas que l’artiste cherche à s’en convaincre en ce qui concerne chaque auditeur pris individuellement : une fois l’exaltation passée, ces auditeurs pourraient bien exprimer des critiques. Tel, à coup sûr, sera plus d’un musicien, enthousiasmé à l’audition, qui le lendemain se sentira gêné par telle ou telle « bizarrerie » , telle « aspérité » , telle « dureté ». Plus d’un aussi restera perplexe devant certaines progressions harmoniques curieuses et inusitées. Comment se fait-il, pourra-