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il n’y aurait point d’œuvres d’art ; mais, aussi, point de juges d’art. Et cela, ces derniers le voient si bien que, du fond de leur cœur angoissé, ils invoquent à grands cris la forme, tandis que, librement, l’artiste, qui ne saurait sans cette forme atteindre son but, ne s’en soucie pas le moins du monde pendant qu’il est occupé à créer. Comment expliquer cela ? Très probablement par le fait que l’artiste, sans le savoir, crée lui-même sans cesse des formes, alors que les autres ne créent ni formes ni même la moindre des choses. Et il semble que ces juges crient si fort afin que l’artiste, non content de créer tout, réalise à leur intention quelque chose de tout spécial ; car, s’il ne le faisait, eux resteraient bien en peine. En vérité, ils n’ont pu être satisfaits que par ceux qui, incapables de produire quoi que ce soit de personnel, s’aidèrent de — formes. Nous savons bien ce que cela veut dire, n’est-ce pas ?

Ô épées privées de lames ! Mais vienne un homme qui sache se forger un glaive tranchant (vous voyez que je sors de la forge de mon jeune Siegfried !), et les lourdauds de venir s’y couper, parce qu’ils veulent gauchement le saisir, comme auparavant ils empoignaient le pommeau