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devenu classique n’en ait point donné l’exemple. Certes, on a déjà vu parfois qu’un virtuose devenu riche se soit laissé aller à l’ambition d’être compté au nombre des compositeurs, ce qui était considéré, en général, comme une faiblesse admissible. Aussi est-on, dans le cas présent, porté à pardonner au célèbre héros du clavier sa lubie de composition, tout en regrettant qu’il ne préfère pas rester au piano. On a même la bonté de glisser silencieusement sur les grandes œuvres qu’il vient de produire, et seuls quelques gardiens trop acerbes de la musique classique se sont oubliés jusqu’à lâcher bride à leur méchante humeur. Ne nous en étonnons pas trop : il y aurait matière à inquiétude si, du premier coup, les choses s’étaient passées d’autre façon. Qui de nous, en effet, ne s’est pas tout d’abord trouvé véritablement embarrassé ? Il est vrai qu’en cela nous sommes coupables pour n’avoir pas su voir, immédiatement, le fond même de la nature de Liszt, ou tout au moins pour ne l’avoir pas assez clairement compris. Quiconque a eu l’occasion d’entendre souvent Liszt, alors que par exemple pour le cercle de ses fidèles il jouait Beethoven, a forcément dû avoir de tout temps l’intuition qu’il était en pré-