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gagne en extension et en profondeur, et par là échappe à l’expression, — à l’expression qui n’est pas notre chose propre, mais qui nous vient toute faite du dehors, pour servir au commerce que nous entretenons avec un monde qui ne peut nous comprendre exactement que si nous restons absolument sur le terrain des coutumières exigences de la vie. Plus nos opinions s’éloignent de ce terrain et plus l’énoncé de toute idée devient pénible. Aussi le philosophe court-il sa chance d’être compris ou non, et emploie-t-il le langage dans un sens détourné, tandis que l’artiste s’approprie un merveilleux outil de son art, outil absolument impropre aux besoins de la vie quotidienne, et s’en sert pour exprimer des choses qui, dans l’hypothèse la plus favorable, ne seront comprises que de ceux qui partagent sa propre façon de concevoir.

Incontestablement, la musique est l’intermédiaire qui convient le mieux à ces pensées que le langage ne peut exprimer, et on pourrait appeler musique l’essence la plus intime de toute conception. Or si, en présence des œuvres de Liszt, j’ai ressenti les impressions que la musique seule peut communiquer, le but était atteint, et, nécessairement, je devais estimer qu’il était non