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DÉFENSE D’AIMER

sauver sa vie forfaite. Aux sentiments d’extrême colère de Claudio, à son empressement au sacrifice, succède une disposition attendrie qui fait passer l’infortuné de la tristesse à la faiblesse, quand il prend congé de sa sœur pour la vie, et la charge des plus émouvants adieux pour la fiancée en deuil qu’il abandonne. Isabella, toute prête à lui annoncer sa délivrance, s’arrête consternée, quand elle voit son frère déchoir du plus noble enthousiasme jusqu’à l’aveu timide de son amour de vivre, jusqu’à cette demande craintive : le prix de son salut lui paraît-il donc exorbitant ? Elle se lève avec horreur, repousse loin d’elle ce frère indigne, et lui annonce qu’il n’a plus qu’à joindre à une mort ignominieuse son entier mépris. Après l’avoir rendu au geôlier, son attitude, par un changement rapide, revêt de nouveau l’expression sereine et fière d’une âme résolue : il est vrai, elle se décide à punir les hésitations de son frère en prolongeant l’incertitude où il doit rester sur son sort ; mais elle