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ESQUISSE AUTOBIOGRAPHIQUE

prétexte ; je finis par consentir, pour une certaine somme, à céder ce canevas. Je n’eus alors rien de plus pressé que de traiter mon sujet moi-même en vers allemands. Pour me mettre à l’œuvre, j’avais besoin d’un piano ; car, après avoir interrompu pendant neuf mois toute production musicale, je dus chercher d’abord à me replacer dans une atmosphère musicale : je louai un piano. L’instrument arrivé, je tournai autour, pris d’une véritable angoisse : je tremblais maintenant d’avoir à découvrir que je n’étais plus du tout musicien. Je commençai d’abord par le chœur des matelots et la chanson des fileuses ; en un clin d’œil tout marcha à souhait, et je poussai de bruyants cris de joie à cette constatation, profondément ressentie, que j’étais encore musicien. En sept semaines, l’opéra entier fut composé. Mais, à la fin de ce laps de temps, les plus vulgaires soucis matériels m’accablèrent : il fallut deux grands mois avant que je pusse parvenir à écrire l’ouverture de l’opéra terminé, bien que je la portasse