Page:Wagner - Souvenirs, 1884, trad. Benoît.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
HISTOIRE D’UNE SYMPHONIE

musiciens. Qui devinerait dans leurs œuvres de débutants le vrai Mozart, le pur Beethoven, avec autant de certitude qu’il reconnaîtrait le Gœthe complet ou le Schiller véritable dans leurs productions de jeunesse, qui causèrent une émotion universelle ?

Je n’ai pas l’intention d’entrer dans une discussion approfondie au sujet de la différence extraordinaire entre le poète, qui contemple le monde, et le musicien, qui en tire émotion. Qu’il me soit permis, toutefois, d’établir la distinction suivante : la musique est un art essentiellement artificiel, dont il faut apprendre les règles, et où l’on n’arrive à la maîtrise (c’est-à-dire à pouvoir s’exprimer d’une façon originale et personnelle), qu’en apprenant une nouvelle langue ; au lieu que le poète, du premier coup, peut exprimer dans sa langue maternelle ce qui frappe réellement sa vue. Le jeune musicien, après s’être escrimé pendant un temps suffisant à ce qu’on est convenu d’appeler la production mélodique, finit par