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UN SOUVENIR DE ROSSINI

et entretenu ; là, toute aspiration plus élevée est brutalement étouffée, et on n’a pas appris au peuple autre chose que la fainéantise. C’est ainsi que s’est passée sa jeunesse inconsciente, c’est ainsi qu’il a grandi au service de cette tendance, obligé de se pourvoir à droite et à gauche, pour avoir seulement de quoi vivre ; et quand, avec le temps, il fut parvenu à une situation meilleure, il était trop tard ; il lui eût fallu faire un effort accablant pour un âge avancé. Des esprits plus élevés devaient donc le juger avec indulgence ; il ne prétendait pas lui-même figurer au nombre des Héros ; mais la seule chose qui ne pourrait lui être indifférente serait qu’il méritât assez peu d’estime pour être rangé parmi les fades persifleurs d’aspirations sérieuses. De là aussi sa protestation.

Par ces paroles, aussi bien que par la façon enjouée, mais bienveillante et sérieuse, dont il s’était exprimé, Rossini fit sur moi l’impression du premier homme vraiment grand et