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LETTRE SUR LE TANNHÆUSER

je dus m’abandonner à mes déceptions n’est pas chose aisée. En tous cas, l’obstacle le plus fâcheux venait du chanteur du difficile rôle principal : plus nous approchions de la représentation, et plus son découragement croissait ; on avait jugé nécessaire qu’il se mît en rapport avec les critiques, et ceux-ci lui prédisaient la chute irrémissible de mon opéra. Les espérances favorables que j’avais entretenues pendant les répétitions au piano s’évanouirent de plus en plus, à mesure que nous approchions de la mise en scène et de la lecture à l’orchestre. Je vis que nous retombions au niveau d’une représentation banale d’opéra, et que tous les efforts pour le dépasser seraient vains. À ce point de vue, il manquait un élément de succès auquel il était naturel que je n’eusse pas songé au début, et qui seul eût pu donner le relief voulu à une représentation de ce genre : c’était la présence d’un artiste en vue, déjà adopté et choyé par le public, tandis que je me présentais à ses suffrages