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SOUVENIRS

nos ; nous y eûmes une conversation fort longue et fort animée.

Généralement il ne prenait part à un entretien qu’en y prêtant une attention calme et digne, de l’air d’un homme qui attend qu’on s’informe de son avis. Quand il voulait bien prendre la parole, il s’exprimait d’un ton pompeux, en phrases tranchantes et catégoriques, avec des inflexions sentencieuses, qui excluaient, comme un manquement grave, toute idée de contradiction. Mais après le dîner, quand nous nous rapprochâmes, il s’abandonna et s’échauffa davantage. J’ai déjà dit qu’il me montrait tout l’attachement compatible avec sa nature : il me déclara donc sans détour qu’il avait de l’amitié pour moi, et qu’il entendait me le prouver en me mettant en garde contre l’idée funeste de poursuivre ma carrière de compositeur dramatique. Il pensait bien, ajoutait-il, qu’il ne me convaincrait pas sans peine de la valeur d’un tel service d’ami ; mais il regardait comme un devoir si