Page:Wagner - Souvenirs, 1884, trad. Benoît.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
SOUVENIRS

en était l’auteur faisait l’effet d’un cafard au génie sans gêne[1] de Rossini, Spontini voyait en lui l’artiste qui avait vendu les secrets les plus inaliénables de l’art créateur.

Pendant les triomphes de Meyerbeer, souvent notre vue se porta involontairement vers ces maîtres retirés, appartenant à peine encore à la vie réelle, singulièrement isolés, qui, de loin, apercevaient en cette vision de gloire l’homme incompréhensible pour eux. La figure artistique de Spontini enchaînait surtout nos regards : cet homme pouvait se dire avec fierté, mais sans tristesse (car un extrême dégoût du présent l’en gardait), qu’il était le dernier des compositeurs d’opéra qui eussent voué leur effort, avec un austère enthousiasme, avec un noble vouloir, à une idée artistique, et qui eussent tiré origine d’une époque où s’offrait, aux tentatives pour réaliser cette idée, un universel tribut d’estime et de profond

  1. Dans le texte, génial ungenirien.