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SOUVENIRS

par ses actes et ses déclarations, affirmait qu’il était impossible d’aller plus loin que lui dans cette voie, Rossini parut, qui, laissant complètement de côté le but dramatique de l’opéra, mit au contraire en relief et développa exclusivement l’élément frivole et purement sensuel inhérent à ce genre. En dehors de cette divergence, il y avait dans l’influence exercée par ces deux musiciens cette différence essentielle, que Spontini et ses prédécesseurs dirigeaient le goût du public par la fermeté de leurs principes en matière d’art, si bien que ce public devait prendre la peine d’entrer dans l’intention de ces maîtres et de l’adopter, tandis que Rossini le détournait de cette disposition esthétique, en le prenant par son côté faible, celui de la sensualité pure et de la distraction à tout prix, et en lui sacrifiant sa prééminence d’artiste, par l’abandon du droit de fixer lui-même ce qui le devait divertir. Si, jusqu’à Spontini, le compositeur dramatique, dans l’intérêt d’une haute conception d’art, garda en face du pu-