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VI
PRÉFACE.

si elle n’enveloppait pas une action, qui la soutient, qui détermine sa forme générale aussi bien que son caractère propre.

Richard Wagner est, avant tout, un poète[1], un grand poète dramatique, dont les ancêtres spirituels ont habité l’Inde et la Grèce, où ils connurent et accrurent les bienfaits d’une civilisation supérieure à la nôtre à quelques égards.

Il s’est trouvé qu’avec sa vaste et vive intelligence, ce poète d’une nature spéciale a fait d’abord de la musique comme il eût fait de la peinture ou de la philosophie. Mais déjà[2] l’adolescent prédestiné avait donné des marques précoces de ses instincts poétiques. Ce qui décida de sa vocation, ce qui détermina son génie propre, fut précisément cette rencontre du poète et du musicien. Comme Siegfried éveilla Brünnhilde, le poète tira le musi-

  1. Pour prévenir certaines objections, j’entends, par poète, moins le versificateur, le styliste, que le ποιητὴς, l’inventeur d’actions, le créateur de types.
  2. Qu’on lise avec attention les premières pages de l’Esquisse autobiographique par laquelle s’ouvre ce volume : on y trouvera la preuve de la préexistence du poète chez Wagner.