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RETOUR À DRESDE DES CENDRES DE WEBER

presque effrayante que produisirent sur moi ma propre parole, sa sonorité et son accent, que, dans une absence complète, je crus, de même que je m’entendais, me voir en face de cette foule qui retenait son souffle pour m’écouter ; et tandis que je m’objectivais ainsi vis-à-vis de moi-même, je tombai dans un état de concentration absolue, où j’attendais le déroulement de l’action captivante qui allait se passer devant moi, absolument comme si je n’avais pas été la même personne qui d’ailleurs se tînt à cette place, et eût à porter la parole. Je n’éprouvai pas la moindre anxiété, pas même le moindre trouble ; il se produisit seulement, après une interruption convenable, un arrêt si démesurément long, que ceux qui me virent ainsi immobile, absorbé, le regard absent, ne surent que penser de moi. Enfin mon propre silence prolongé, et l’immobilité muette de la foule, qui m’environnait me rappelèrent que j’étais là non pour écouter, mais pour parler ; je revins aussitôt à moi, et je prononçai