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de lui et parmi ceux là, il en était un qui trouverait difficilement son pareil. Tout homme à qui Wagner adressait la parole, se sentait honoré ; les musiciens, bons ou mauvais, levaient les yeux vers lui comme vers le Maître qui avait ouvert à la musique des voies nouvelles et admirables. S’il s’était hasardé sur les flots en fureur de la tempête révolutionnaire, le flux ne l’avait point porté sur une côte inhospitalière. Non, il n’a pas appris à connaître à Zurich les longs et amers tourments des exilés politiques, cherchant en vain la sympathie, frappant aux portes et n’en voyant s’ouvrir que bien peu ! À Hambourg, à Paris et surtout à Londres, en 1840, j’ai vu des exilés de diverses nations et ceux-là erraient dans un désert sans bornes ! Heureusement que pour quelques grandes personnalités d’entre eux il s’est trouvé une providence en la personne de Lord Shaftesbury ! Mais, parmi ceux que l’Allemagne avait repoussés, il y en avait qui ne voulaient d’autre aide que le travail et les privations, et qui rejetaient loin d’eux le pain que leur offraient des nations étrangères.

Quant à la musique qui se faisait à Zurich pendant que Wagner s’y trouvait, je ne puis en juger en connaissance de cause, mais il est naturel qu’elle ne put suffire à l’homme extraordinaire qui aspirait à la perfection.