Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le dialecte de ses pères ; c’est le signe familier et charmant de l’intimité de la vie de famille comme de la vie populaire.

Dans l’un de ces concerts, Wagner dirigea l’ouverture du Freischütz. On sait comme Weber lui était sympathique et comme la musique se transfigurait sous sa direction, devenant la vibration de l’âme elle-même. — Qui ne la connaît, la musique de Weber ? Qui ne se serait senti transporté au fond de l’ombreuse et fraîche solitude des forêts, quand les sons du cor semblent déchirer le voile de l’aurore ? Ils retentissaient mystérieusement, solennellement, et pendant que j’écoutais, un sentiment ineffable s’élevait en moi, m’envahissant comme un parfum subtil. J’étais heureuse, lors de ces concerts, d’être assise au fond de la salle, de sorte que le sens de la vue ne pouvait venir troubler ma jouissance ; avec quelle intensité je retrouvais cette jouissance chaque fois que Wagner dirigeait une symphonie de Beethoven ! J’étais heureuse alors, parce que le beau prospérait sur la terre !

Je trouve à présent une lacune dans mes notes aussi bien que dans mes souvenirs, et je saute presque une année pendant laquelle bien des choses se passèrent à Mariafeld, dans l’éternelle oscillation entre la joie et la douleur. Ce