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guitare pour accompagner les airs. Ai-je besoin d’appuyer là-dessus davantage ?

L’orchestre sera, avec le drame tel que je le conçois, dans un rapport à peu près analogue à celui du chœur tragique des Grecs avec l’action dramatique. Le chœur était toujours présent, les motifs de l’action qui s’accomplissait se déroulaient sous ses yeux ; il cherchait à sonder ces motifs et à se former par eux un jugement sur l’action. Seulement le chœur ne prenait généralement part au drame que par ses réflexions, il restait étranger à l’action comme aux motifs qui la produisaient. L’orchestre du symphoniste moderne, au contraire, est mêlé aux motifs de l’action par une participation intime ; car, si d’une part, comme corps d’harmonie, il rend seul possible l’expression précise de la mélodie, d’autre part il entretient le cours interrompu de la mélodie elle-même, en sorte que toujours les motifs se font comprendre au cœur avec l’énergie la plus irrésistible. Si nous considérons, et il le faut bien, comme la forme artistique idéale celle qui peut être entièrement comprise sans réflexion, et qui fait passer tout droit dans le cœur la conception de l’artiste dans toute sa pureté ; si enfin nous reconnaissons cette forme idéale dans le drame musical qui satisfait aux conditions mentionnées jusqu’ici, l’orchestre est le merveilleux instrument au moyen duquel seul cette forme est réalisable. En face de l’orchestre, de l’importance qu’il a prise, le chœur, auquel l’opéra, d’ailleurs, a déjà fait une place sur la scène, n’a plus rien de la signification du chœur antique, cela saute aux yeux ; il ne peut plus être admis qu’à titre de per-