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Remarquons avant tout que cette forme s’étend sur toutes les parties de la symphonie, et forme à cet égard la contre-partie de l’opéra italien ; en effet, dans l’opéra la mélodie se trouve par morceaux isolés, entre lesquels s’étendent des intervalles remplis par une musique que nous n’avons pu caractériser autrement que par l’absence de toute mélodie ; car elle n’a rien qui la différencie essentiellement du simple bruit. Chez les prédécesseurs de Beethoven nous voyons encore ces lacunes fâcheuses s’étendre même dans les morceaux symphoniques entre les motifs mélodiques principaux. Il est vrai qu’Haydn, entre autres, était déjà parvenu à donner à ces périodes intermédiaires une valeur très-intéressante ; Mozart, au contraire, qui se rapprochait bien plus de la conception italienne de la forme mélodique, était retombé plus d’une fois, on peut même dire habituellement, dans cet usage de phrases banales ; elles nous montrent fréquemment ces périodes harmoniques sous un aspect pareil à celui de la musique de table c’est-à-dire d’une musique qui, entre les agréables mélodies qu’elle fait entendre par intervalles, offre encore un bruit propre à exciter la conversation ; telle est du moins l’impression que me font ces demi-cadences qui reviennent si habituellement dans la symphonie de Mozart, et se prolongent avec tant de tapage : il me semble entendre le bruit d’une table royale qu’on sert et qu’on dessert, mis en musique. Les combinaisons de Beethoven,, complètement originales et véritables traits de génie, eurent au contraire pour but de faire disparaître jusqu’aux dernières traces de ces fatales périodes intermé