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pour être parfaitement comprise, une époque spéciale et reculée de l’histoire, et que les auteurs contemporains de drames et de romans historiques déduisent par cette raison d’une manière si circonstanciée, je pouvais le laisser de côté. J’étais affranchi de l’obligation de traiter la poésie, la musique surtout d’une manière incompatible avec elles et principalement avec la dernière. La légende, à quelque époque et à quelque nation qu’elle appartienne, a l’avantage de comprendre exclusivement ce que cette époque et cette nation ont de purement humain, et de le présenter sous une forme originale très-saillante, et dès lors intelligible au premier coup d’œil. Une ballade, un refrain populaire, suffisent pour vous représenter en un instant ce caractère sous les traits les plus arrêtés et les plus frappants. Ce coloris légendaire que revêt un événement purement humain, possède de plus un avantage essentiel entre tous, c’est qu’il rend extrêmement facile au poëte le rôle que je lui ai imposé il y a un instant, de prévenir et de résoudre la question du pourquoi. Le caractère de la scène et le ton de la légende contribuent ensemble à jeter l’esprit dans cet état de rêve qui le porte bientôt jusqu’à la pleine clairvoyance, et l’esprit découvre alors un nouvel enchaînement des phénomènes du monde, que ses yeux ne pouvaient apercevoir dans l’état de veille ordinaire : de là lui venait cette inquiétude qui le portait à demander sans cesse « pourquoi ? » comme pour mettre fin aux terreurs qui l’obsédaient en face de l’incompréhensible mystère de ce monde, qui lui est devenu maintenant si intelligible et si clair. Comment enfin la musique achève et complète l’enchantement