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établi : c’est qu’en Italie il a existé jusqu’à nos jours une pleine harmonie entre les tendances du théâtre d’opéra et celles du compositeur.

Il en est de même en France ; ces relations n’ont point changé. Seulement le chanteur a vu, aussi bien que le compositeur, grandir sa tâche ; car la coopération du poëte dramatique a pris ici une importance infiniment plus grande qu’en Italie. Appropriées au caractère de la nation, à l’état de la poésie dramatique et des arts de représentation qui venaient de prendre un essor remarquable, les exigences de ces arts s’imposaient aussi impérieusement à l’opéra. Au grand Opéra se forma un style fixe qui, emprunté dans ses traits principaux aux règles du Théâtre-Français, satisfaisait à toutes les conventions, à toutes les exigences d’une représentation dramatique. Sans vouloir pour le moment le définir avec plus de rigueur, je note encore un seul point : c’est qu’il existait un théâtre modèle déterminé, que dans ce théâtre s’était formé le style qui s’imposait à l’acteur, au compositeur avec une égale autorité, que l’auteur trouvait un cadre exactement circonscrit ; et ce cadre, il avait à le remplir au moyen d’une action et de la musique, avec le concours d’acteurs et de chanteurs exercés, connus d’avance, et en parfait accord avec lui pour réaliser ce qu’il se proposait.

Quand l’Allemagne reçut l’opéra, c’était un produit exotique, déjà tout développé ; et ce produit était radicalement étranger au caractère de la nation. Des princes allemands avaient appelé à leur cour des sociétés italiennes d’opéra, accompagnées de leurs compositeurs.