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VOYAGE DANS L’ENGADINE

se démentit jamais dès lors. Toutefois, ce voyage ne pouvait s’effectuer avant l’automne, et moi, comprenant d’autre part que pour en jouir il était nécessaire de fortifier mes nerfs par la cure que me conseillait mon médecin, je résolus de me rendre tout d’abord aux bains de Saint-Moritz en Engadine. Je me mis donc en route dans la seconde moitié de juillet, en compagnie de Herwegh.

Il est curieux que ce qui, dans les carnets des autres gens, ne serait noté que comme un simple voyage ou une visite, prend toujours chez moi les proportions d’une aventure. Cette fois encore, il en fut ainsi. Pendant notre trajet, nous fûmes arrêtés à Coire, où nous avions trouvé la diligence de l’Engadine retenue jusqu’à la dernière place. Avec cela, une pluie battante et un hôtel inconfortable. Pour nous distraire, nous n’avions que les livres. Je pris le Divan oriental de Gœthe, à la lecture duquel je m’étais préparé par l’étude des œuvres de Hafiz, dans la traduction de Daumer. À présent même, je ne puis songer à certaines réflexions de Gœthe dans les éclaircissements qu’il donne sur ces poésies, sans me rappeler immédiatement cet incident si désagréable de notre voyage dans l’Engadine.

À Saint-Moritz, nous n’eûmes pas plus de chance. Le bon hôtel qu’on y voit aujourd’hui n’existait pas encore ; il fallut nous contenter du gîte le plus primitif, ce qui m’ennuya surtout à cause de Herwegh, qui ne faisait ce séjour que pour son plaisir et non pour sa santé. Bientôt cependant, nous nous déridâmes à la vue des grandioses aspects que présente cette haute vallée où ne