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OVATION DES ZURICHOIS

nouveau à la production musicale ? Que pouvais-je souhaiter de meilleur pour moi et de plus fécond que l’intimité si longtemps désirée de cet ami, alors dans la pleine maîtrise de son talent, de cet ami qui s’était si généreusement voué à la diffusion de mes œuvres et avait su les faire comprendre ?

Ces jours de bonheur risquant de devenir étourdissants par la foule inévitable des amis et connaissances qui venaient nous voir, nous nous échappâmes pour faire une excursion au lac des Quatre-Cantons. Herwegh seul nous accompagna. Au Grütli, Liszt eut la jolie idée de nous offrir de nous tutoyer mutuellement en buvant aux trois sources qui sourdent du rocher. Mais alors l’ami nous quitta après avoir pris rendez-vous avec moi pour l’automne.

Je me serais senti bien délaissé après le départ de Liszt si les Zurichois ne s’étaient pas chargés de me distraire d’une manière qui m’était nouvelle. On avait enfin achevé le chef-d’œuvre calligraphique du diplôme d’honneur que la Société de chant de Zurich avait décidé de me décerner et la remise solennelle de ce document devait être accompagnée d’un grand cortège aux flambeaux auquel prendraient part tous ceux qui, officiellement ou individuellement, s’intéressaient à moi. Par une belle soirée d’été, je vis donc arriver au Zeltweg, musique en tête, une foule imposante de porteurs de torches qui m’offrit un spectacle unique et me produisit une impression sans pareille.

On chanta et, de la rue, le discours du président de la Société monta jusqu’à moi. J’étais si ému que je me