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INSTRUCTIONS SUR « TANNHÄUSER »

répandit avec une rapidité croissante sur les scènes de l’Allemagne. Mais j’éprouvai une grande inquiétude de ce fait, car je ne pouvais point me rendre clairement compte de l’esprit qui animait ces représentations. Ma présence étant interdite partout, j’essayai de faire comprendre mes intentions par le moyen d’une dissertation très détaillée renfermant toutes les instructions nécessaires à une représentation intelligente de mon opéra. Je fis imprimer, élégamment et à mes frais, ce livret assez volumineux, et à tout théâtre qui commandait la partition, j’en envoyais un certain nombre d’exemplaires destinés à être remis au maître de chapelle, au régisseur et aux acteurs principaux.

Dans la suite, je n’ai pas appris qu’une seule personne eût lu ces instructions ou s’en fût servie. En 1864, il ne me restait aucune des brochures que j’avais si généreusement distribuées. J’eus alors le plaisir de retrouver, non coupées, dans les archives du Théâtre de la cour, à Munich, toutes celles que j’avais envoyées autrefois. Je me suis vu ainsi dans l’agréable situation de pouvoir présenter cet écrit au roi de Bavière, qui me le réclamait ; de plus, j’en gardai quelques exemplaires pour moi et mes amis.

Par un destin bizarre, la propagation de mon opéra coïncidait avec ma résolution de composer une œuvre dont la conception me forçait à n’avoir aucun souci des conditions où travaillaient les théâtres allemands. La tournure inattendue que prenaient les événements n’influença nullement ma détermination. En ne déviant pas d’une ligne de mon plan, je trouvai au contraire le calme