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IMPRESSIONS GRANDISOSES DU MONT BLANC

beaucoup la visite que nous fîmes aux îles Borromées.

Là, nos compagnons se séparèrent de moi et de ma femme, pour rentrer par le plus court chemin ; nous, nous comptions encore passer par le Simplon et le Valais et voir Chamonix. La fatigue que le voyage m’avait causée jusque-là me faisait pressentir que je ne recommencerais pas de sitôt une telle entreprise, aussi étais-je désireux de visiter cette fois tout ce qui est digne d’être vu en Suisse. De plus, j’espérais que l’état dans lequel je me trouvais depuis longtemps changerait sous l’influence d’une nouvelle et forte impression venant du dehors. C’est pourquoi je ne voulais pas laisser échapper celle que j’attendais du mont Blanc. Elle ne fut obtenue qu’au prix de grandes difficultés. Arrivés de nuit à Martigny, nous trouvâmes tous les hôtels bondés ; nous n’eûmes de gîte que grâce à un postillon qui avait une liaison amoureuse avec une femme de chambre : celle-ci nous ouvrit illicitement le logis de ses maîtres, absents pour cette nuit. Dans la vallée de Chamonix, nous visitâmes, comme de juste, la Mer de glace et la Flégère, d’où le mont Blanc me produisit un effet saisissant. Cependant mon imagination était moins tentée par l’idée de l’ascension du colosse que par celle de la traversée du col des Géants, avec sa longue et majestueuse solitude. Longtemps, j’avais nourri le projet d’accomplir une fois encore une telle ascension. Mais à la descente de la Flegère, Minna se tordit le pied, et les suites de cet accident nous empêchèrent d’entreprendre toute autre excursion. Il nous fallut hâter notre retour par Genève.

Je revins de ce voyage si grandiose et si intéressant,