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SÉJOUR SUR LE ZURICHBERG

cours en Allemagne sur ces événements décriés par la calomnie et, à ma grande satisfaction, il me fut possible de rectifier son jugement, surtout à propos de Rœckel qui passait pour un lâche fripon. Franck me fut sincèrement reconnaissant de lui avoir ouvert les yeux.

Depuis que Rœckel avait été gracié, c’est-à-dire condamné aux travaux forcés à perpétuité, j’entretenais avec lui une petite correspondance, ouverte bien entendu. Le caiactere de ses lettres me prouva qu’avec sa nature vaillante et gaie, il était plus heureux dans sa captivité que moi dans ma liberté, troublée par la perspective d’une vie sans espoir.

Le mois de mai arriva enfin. J’avais besoin d’un séjour de campagne qui fortifiât mes nerfs délabrés et me permît d’entreprendre mon travail de poète. À mi-hauteur du Zurichberg, non loin de notre demeure, nous trouvâmes une installation supportable dans la propriété Rinderknecht, et le 22 mai nous pouvions fêter mon trente-neuvième anniversaire par un repas rustique pris en plein air, avec, sous les yeux, le panorama des Alpes et du lac. Malheureusement le temps ne tarda pas à se gâter et la pluie persista presque tout l’été, exerçant sur mon humeur une influence contre laquelle j’avais toutes les peines du monde à réagir. Je me remis cependant à l’ouvrage et ayant commencé par la fin ma grande trilogie, je continuai dans ce sens toute la composition, de sorte qu’après avoir terminé la Mort de Siegfried et le Jeune Siegfried, j’achevai premièrement la pièce principale, la Walkyrie, et ne m’occupai qu’en dernier lieu