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CARL RITTER À ALBISBRUNN

aussi dans un établissement hydrothérapique, à Stuttgart. Pour son malheur, il m’écrivit qu’il essayait d’arriver à de bons résultats, non point en se baignant, mais en buvant énormément d’eau. Or, je savais que boire trop d’eau sans recourir à un traitement complémentaire peut avoir des suites fort dangereuses et je signifiai à Carl qu’il eût à se soumettre à une cure rationnelle et à ne pas reculer lâchement devant les privations. De plus je le sommai de me rejoindre immédiatement a Albisbrunn.

Et vraiment il m’obéit et me fit la joyeuse surprise d’apparaître quelques jours après. L’hydrothérapie radicale le remplit d’admiration, mais son usage pratique lui fut bientôt des plus pénibles. Il polémisa contre le lait froid indigeste, se basant sur l’observation que dans la nature le lait maternel se boit chaud. Le maillot et les bains froids l’agitaient, aussi ne tarda-t-il pas à se traiter à sa façon, d’une manière plus agréable, à l’insu du médecin. Avec cela, il avait déniché dans le village voisin un épicier qui vendait de médiocres sucreries et il devenait furieux quand on l’attrapait faisant secrètement ses achats. Peu à peu, il se vit dans une situation insupportable où il ne restait que par amour-propre.

C’est à Albisbrunn que le surprit la nouvelle de la mort d’un oncle riche qui léguait une somme assez importante à chaque membre de la famille Ritter. Sa mère nous annonça ce changement avantageux de leur état de fortune et déclara qu’elle se trouvait maintenant à même de me servir la subvention que m’avaient offerte autrefois les familles Ritter et Laussot réunies. De sorte que, depuis lors, j’entrai dans la communauté des Ritter en