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INQUIÉTUDE DEM. WILLE

véhéments sur sa conduite à mon égard, et je me décidai à aller attendre à Stuttgart le résultat de ces efforts, afin d’être plus à proximité de Mayence. J’avais encore d’autres raisons de quitter la Suisse.

Le docteur Wille était de retour et je n’avais pas tardé à m’apercevoir que ma présence à Mariafeld l’inquiétait, car, sans doute, il craignait que je ne fisse appel à sa bourse. Éprouvant cependant un peu de confusion des suites que provoqua sa manière d’être, il m’avoua dans un moment d’excitation qu’il avait à mon égard les sentiments de celui qui, habitué à être compté comme quelqu’un parmi ses pareils, se voit en rapports avec un homme devant lequel il se sent étrangement inférieur : « On désire pourtant être quelque chose dans sa propre maison et non pas seulement servir de piédestal à un autre. »

Mme Wille, pressentant les dispositions de son mari, s’était entendue avec les Wesendonck pour que ceux-ci, durant mon séjour à Mariafeld, m’envoyassent cent francs tous les mois. Dès que j’en fus averti, il ne me resta qu’à annoncer à Mme Wesendonck mon départ immédiat de la Suisse. Je la priai amicalement de ne plus s’occuper de moi, mes affaires s’étant tout à fait arrangées à mon gré. Il paraît que Mme Wesendonck, ayant jugé cette lettre compromettante, l’a renvoyée à Mme Wille sans l’ouvrir.

Je partis donc le 30 avril 1864 pour Stuttgart où depuis quelque temps Carl Eckert était maître de chapelle au Théâtre royal de la cour. J’avais lieu de croire à l’attachement de cet excellent homme, qui m’avait donné des preuves de son dévouement lorsqu’il était directeur de l’Opéra de Vienne, et qui avait assisté avec enthousiasme