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DÉPART DE VIENNE (MARS 1864)

beau jour fiancé à une pianiste hongroise. À cette époque, je souffrais beaucoup de douloureux catarrhes chroniques. La peur de la mort me tourmentait tant que je ne cherchai plus à m’en défendre. Je léguai mes livres et mes manuscrits ; une partie devait en revenir à Cornélius. Auparavant déjà, j’avais recommandé à Standhartner les restes problématiques de mon mobilier de Penzing.

Comme mes amis me conseillaient vivement de me tenir prêt à fuir le plus tôt possible et que mon chemin me conduisait en Suisse, j’écrivis à Otto Wesendonck pour lui demander de bien vouloir me recevoir dans sa maison. Il refusa catégoriquement. Je ne pus m’empêcher de lui faire remarquer l’injustice de son procédé. Il s’agissait maintenant de donner à mon départ l’apparence d’un voyage de courte durée. Standhartner, fort inquiet que mes intentions ne fussent devinées, m’invita à déjeuner dans sa maison où déjà ma malle avait été apportée par mon domestique Franz Mrazek. Très oppressé, je dis adieu à celui-ci, à sa femme Anna et au bon chien Pohl. Le gendre de Standhartner, Carl Schönaich et Cornélius m’accompagnèrent à la gare ; le premier sanglotait ; le second, au contraire, affectait une humeur frivole. Je m’embarquai dans l’après-midi du 23 mars 1864. Mon intention était de rester incognito deux jours à Munich, et de m’y reposer des terribles excitations qui m’avaient secoué. Je passai ces jours à l’ « Hôtel de Bavière », circulant un peu par la ville. C’était le Vendredi Saint. Le temps rude et froid semblait mettre son empreinte sur toute la population qui, vêtue de deuil, se rendait d’église en église.