mille roubles. En même temps, on me laissait entendre que ce cadeau se renouvellerait chaque année jusqu’à l’amélioration de ma situation pécuniaire. Je regrettai que ces bonnes dispositions à mon égard n’eussent pas de suites plus sérieuses et plus profitables. Par Mlle de Rhaden, je proposai donc à la grande-duchesse de me faire venir tous les ans à Pétersbourg, où je consacrerais mes capacités à diriger une suite de concerts et de représentations théâtrales. On n’aurait qu’à me donner un traitement suffisant. Mais on évita de me répondre.
La veille de mon départ, je confiai à mon aimable porte-parole le projet que j’avais de me fixer à Biberich et ne lui cachai pas mes craintes de me retrouver dans l’état précaire d’autrefois, lorsque j’aurais consacré à ma construction l’argent que j’avais gagné en Russie. Ne valait-il pas mieux renoncer à ce plan ? Elle me répondit par ces mots électrisants : « Bâtissez et espérez ! » Au moment de partir pour la gare, je lui écrivis pour la remercier, en ajoutant que je savais maintenant ce que j’avais à faire. Je quittai donc Pétersbourg fin avril, accompagné des souhaits de bonheur de Séroff et des musiciens de l’orchestre. Je traversai le désert russe sans m’arrêter à Riga où l’on m’avait invité à donner un concert, et j’atteignis la frontière à la station de Wirballen. J’y trouvai un télégramme de Mlle de Rhaden dans lequel, se rapportant aux dernières lignes que je lui avais adressées, elle me recommandait la prudence : « Pas trop de témérité ! » me criait-elle. Je compris ce que cela voulait dire et mes hésitations à propos de ma future maison reprirent de plus belle.