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DÉPART DE PÉTERSBOURG (AVRIL 1863)

mille roubles. En même temps, on me laissait entendre que ce cadeau se renouvellerait chaque année jusqu’à l’amélioration de ma situation pécuniaire. Je regrettai que ces bonnes dispositions à mon égard n’eussent pas de suites plus sérieuses et plus profitables. Par Mlle de Rhaden, je proposai donc à la grande-duchesse de me faire venir tous les ans à Pétersbourg, où je consacrerais mes capacités à diriger une suite de concerts et de représentations théâtrales. On n’aurait qu’à me donner un traitement suffisant. Mais on évita de me répondre.

La veille de mon départ, je confiai à mon aimable porte-parole le projet que j’avais de me fixer à Biberich et ne lui cachai pas mes craintes de me retrouver dans l’état précaire d’autrefois, lorsque j’aurais consacré à ma construction l’argent que j’avais gagné en Russie. Ne valait-il pas mieux renoncer à ce plan ? Elle me répondit par ces mots électrisants : « Bâtissez et espérez ! » Au moment de partir pour la gare, je lui écrivis pour la remercier, en ajoutant que je savais maintenant ce que j’avais à faire. Je quittai donc Pétersbourg fin avril, accompagné des souhaits de bonheur de Séroff et des musiciens de l’orchestre. Je traversai le désert russe sans m’arrêter à Riga où l’on m’avait invité à donner un concert, et j’atteignis la frontière à la station de Wirballen. J’y trouvai un télégramme de Mlle de Rhaden dans lequel, se rapportant aux dernières lignes que je lui avais adressées, elle me recommandait la prudence : « Pas trop de témérité ! » me criait-elle. Je compris ce que cela voulait dire et mes hésitations à propos de ma future maison reprirent de plus belle.