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SUCCÈS DE MON PREMIER CONCERT

Séroff me comprenait si bien, moi et ma manière, que bientôt nous ne causions presque plus qu’en plaisantant, car dans toutes les questions sérieuses, nous étions du même avis. Rien n’égalait son attention à me rendre service. Il s’occupa de faire traduire en russe le texte des fragments de mes opéras ainsi que les programmes explicatifs de mes concerts. Avec beaucoup de tact, il discernait les chanteurs aptes à rendre ma musique. Il se trouvait récompensé de ses peines en assistant aux répétitions et aux auditions ; sa figure rayonnante m’encourageait et me stimulait sans cesse.

L’orchestre que je réunis autour de moi dans la grande et belle salle de la « Société de la noblesse » me procura aussi la plus vive satisfaction. Il était composé de cent vingt musiciens choisis dans les orchestres impériaux, pour la plupart véritables virtuoses qu’on n’employait d’ordinaire que pour accompagner les ballets et les opéras italiens. Tous, ils respirèrent avec soulagement de pouvoir, sous la direction qui m’est propre, s’adonner à une musique plus élevée.

Le premier concert ayant obtenu un succès considérable, on s’occupa de moi dans les cercles auxquels, discrètement mais chaudement, j’avais été recommandé par Marie Kalergis. Ma protectrice cachée avait su préparer avec adresse ma présentation à la grande-duchesse Hélène. Tout d’abord je fis usage d’une recommandation de Standhartner pour le docteur Arneth, qu’il avait connu à Vienne et qui était médecin de la princesse. Celui-ci me présenta à Mlle de Rhaden, dame d’honneur préférée de la grande-duchesse. La connaissance seule de