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PARFAITE ENTENTE AVEC COSIMA

bientôt nous avions eu la surprise de constater que toute la conversation se réduisait à’u n dialogue qui nous eût paru incompréhensible si nous n’avions deviné la féroce jalousie de Guaita à laquelle répondait l’ironique dédain de Frédérique. L’agitation de cet homme ne s’était calmée un peu que quand il m’avait parlé de son désir de représenter Lohengrin à Francfort sous ma direction. Le projet m’avait souri, car j’y voyais un prétexte de me retrouver avec les Bülow (qui s’étaient engagés à revenir) et les Schnorr, dont je m’étais assuré le concours.

Nous pouvions ainsi chasser, me semblait-il, la tristesse que nous ressentions à nous séparer. Mais l’humeur chagrine de Hans allait croissant. Il se croyait persécuté, et mon impuissance à le consoler me faisait soupirer bien souvent. Quant à Cosima, elle avait perdu vis-à-vis de moi sa timidité de l’année précédente à Reichenhall, et se montrait fort amicale. Chantant un jour à ma façon les Adieux de Wotan, j’avais observé sur le visage de Cosima l’expression qui m’avait frappé lors de son départ de Zurich ; mais cette fois, l’extase du regard était pleine de sérénité. Entre nous deux, tout était silence et mystère. Cependant, j’étais si intimement persuadé de notre parfaite entente que je pouvais me permettre avec elle les pires folies. À Francfort, reconduisant Cosima à l’hôtel et passant sur une place publique, je lui offris de s’asseoir dans une brouette qui se trouvait là et je m’engageai à la transporter ainsi jusque chez elle. Tout de suite, elle fut d’accord ; mais moi, d’étonnement, je n’eus pas le courage d’accomplir mon projet baroque.

À Biberich, de graves préoccupations m’attendaient.