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RŒCKEL SORTI DE PRISON

Avec l’aide de Bülow, il me fut aussi possible de faire entendre à mes amis certaines parties achevées de la composition des Maîtres Chanteurs ; nous parcourûmes de même Tristan, et les Schnorr durent me montrer où ils en étaient dans l’étude de leurs rôles. Je trouvai que leur expression manquait encore beaucoup de précision.

L’été amenait toujours plus de visiteurs dans la contrée, et parmi ceux-ci bon nombre de mes connaissances. Le violoniste David, de Leipzig, arriva chez moi avec son jeune élève Auguste Wilhelmy, fils d’un avocat de Wiesbaden ; nous fîmes alors de la musique très sérieusement. Aloys Schmitt, maître de chapelle à Schwerin, nous joua ce qu’il appelait une « vieille croûte » de sa composition. Un soir, ce fut une vraie réception chez moi : à mes autres amis s’étaient joints les Schott et les deux Schnorr qui, au plaisir de tous, chantèrent la scène d’amour du troisième acte de Lohengrin.

Un jour, l’apparition inopinée de Rœckel dans la salle à manger de l’hôtel nous produisit une vive émotion. Il sortait des prisons de Waldheim après treize ans de réclusion. Grande fut ma surprise de constater que mon vieil ami n’avait presque pas changé, à part ses cheveux blanchis. Il m’expliqua lui-même qu’il avait l’impression d’être comme sorti d’un cocon où il s’était conservé. Réfléchissant à quelle occupation il pourrait s’adonner maintenant, je crus bon de lui conseiller de demander un emploi utile à un prince aussi bienveillant et libéral que l’était le grand-duc de Bade. Mais Rœckel ne pensait pas avoir de chances d’avancement dans un ministère, car il lui manquait la science juridique ; en revanche, il