Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

382
LES BÜLOW À BIBERICH (JUILLET 1862)

Le grand-duc ayant persisté dans son idée de me voir donner un concert où l’on jouerait des fragments de mes dernières œuvres, Devrient dut renouer ses rapports officiels avec moi. Il en profita pour prendre des airs de triomphateur et pour me faire entendre que, malgré mes intrigues, son haut patron désirait que mon concert eût lieu, car l’esprit élevé du grand-duc savait distinguer la « chose » de la « personne ». Je lui répondis simplement par un refus.

Avec les Schnorr, je m’entretins longuement de cette histoire ; puis il fut décidé qu’ils viendraient bientôt me voir à Biberich où je retournai moi-même pour recevoir Bülow qui s’était annoncé. Il arriva au commencement de juillet afin de retenir des chambres pour Cosima ; elle le rejoignit deux jours après. Nous eûmes grande joie à nous revoir et nous employâmes notre temps à toute sorte d’excursions dans le charmant Rhingau. Réunis dans la salle à manger de l’ « Hôtel de l’Europe » et de l’humeur la plus gaie du monde, nous prenions nos repas avec les Schott qui étaient venus aussi. Le soir, on se retrouvait chez moi pour faire de la musique. Alwine Frommann, de passage, assista a une lecture de mes Maîtres Chanteurs, que j’offrais à mes amis. Mon poème produisit sur chacun un effet surprenant et l’on s’étonna du joyeux style populaire que j’y employais pour la première fois. La cantatrice Dustmann, en tournée à Wiesbaden, me fit également une visite, mais je fus attristé de constater l’aversion qu’elle éprouvait pour sa sœur Frédérique. Cela me confirma dans le sentiment que j’avais de la nécessité où était cette dernière de quitter Francfort.