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SCHNORR DANS « LOHENGRIN »

Schnorr, mari et femme, y joueraient les rôles principaux. J’avais grande envie d’entendre Schnorr une fois et c’est pourquoi je me rendis à Carlsruhe sans m’annoncer. Par l’entremise de Kaliwoda, je me procurai un billet et j’assistai incognito à la représentation. J’ai décrit dans mes Souvenirs sur Schnorr les impressions que me laissèrent cette soirée, et l’artiste spécialement. Sur-le-champ je me sentis attiré vers Schnorr. Je le fis prier de venir après la représentation passer une heure ou deux avec moi à mon hôtel.

On m’avait tant parlé de son état maladif que j’eus une joyeuse surprise à le voir, à cette heure avancée de la soirée, si plein de fraîcheur et les yeux si brillants, malgré l’effort sérieux qu’il venait d’accomplir. Aux craintes que j’exprimai de ce qu’il pût se fatiguer, il répondit qu’il acceptait volontiers de sceller notre jeune amitié en vidant avec moi une bouteille de champagne. Nous passâmes une bonne partie de la nuit à causer avec agrément et, par lui, je fus renseigné sur le caractère de Devrient.

Je me décidai à rester encore le lendemain pour déjeuner chez Schnorr et sa femme. Ne pouvant admettre que le grand-duc ignorerait ma présence à Carlsruhe, je lui fis demander une audience qui fut fixée à l’après-midi. J’appris à connaître en Mme Schnorr une femme de grande culture dramatique ; on me donna chez eux de singuliers aperçus sur la conduite de Devrient à propos de Tristan. Après le repas, je montai au château, auprès du grand-duc. Notre courte entrevue fut embarrassée de part et d’autre. Je n’hésitai pas à dire franchement