Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

360
LE POÈME DES « MAÎTRES CHANTEURS » TERMINÉ

regrets de devoir retirer son invitation. De la meilleure humeur du monde, je la priai de ne pas se tourmenter.

Je demandai ensuite au comte de Hatzfeld de me prévenir quand la veuve du comte de Pourtalès serait assez calme pour me recevoir.

Et dans l’espace de ce mois de janvier, en trente jours exactement, j’achevai le poème des Maîtres chanteurs. Un soir, en suivant les galeries du Palais-Royal pour me rendre à la « Taverne anglaise », je trouvai dans une inspiration soudaine la mélodie des strophes que versifie Hans Sachs sur la Réformation ; c’est l’air par lequel, au dernier acte, le peuple accueille son maître chéri. Je réclamai tout de suite de Truinet, qui m’attendait déjà, une feuille de papier et un crayon pour noter la musique que je lui chantais à mi-voix. Truinet, que j’accompagnais d’ordinaire avec son père à leur appartement du faubourg Saint-Honoré, ne put que s’écrier avec joie, et à plusieurs reprises : « Mais quelle gaieté d’esprit, cher maître ! »

Cependant, mon travail touchant à sa fin, il me fallait songer sérieusement à me procurer un refuge pour plus tard. Je m’étais mis dans la tête que ce serait quelque chose dans le genre de ce que l’Altenbourg eût été pour moi, si Liszt ne l’avait pas quitté. Je me rappelai alors l’invitation chaleureuse que, l’année précédente, Mme Street m’avait faite de venir pour un long séjour chez elle et chez son père à Bruxelles. Je me hasardai donc à lui écrire pour lui demander si elle serait disposée à me recevoir quelque temps. On me répondit qu’on était dans la « désolation » de ne pouvoir remplir mon