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LIVRET DES « MAÎTRES CHANTEURS » (JANVIER 1862)

J’avais une prédilection pour le Gymnase dont l’excellente troupe ne jouait pour ainsi dire que de bonnes pièces. L’une d’elles, un acte très fin et très touchant : Je soupe chez ma mère, est restée dans mon souvenir. Nous allions aussi au Palais-Royal, où je ne trouvais pas tant de finesse, et au théâtre Déjazet. J’appris ainsi à connaître dans l’original toutes les farces que, bon an mal an, on sert au public allemand dans une mauvaise adaptation et sans coloris local.

De plus, la famille Flaxland m’invitait quelquefois à sa table. Chose curieuse, cet éditeur ne désespérait pas de mon succès futur et définitif à Paris ; il continuait à publier en français le Fliegender Hollaender et même Rienzi. Cette œuvre-ci n’ayant pas été comprise dans notre premier contrat, il me la paya de petits honoraires particuliers s’élevant à quinze cents francs.

Le séjour que j’ai fait cette fois-ci à Paris a laissé dans ma mémoire un souvenir de véritable bien-être. La raison en est que chaque jour je pouvais enrichir mon manuscrit des Maîtres chanteurs de vers nombreux et satisfaisants. Comment aussi ne pas être de bonne humeur, lorsqu’en levant les yeux de mon papier pour réfléchir à mes divertissantes rimes et sentences, j’apercevais de mon troisième étage le fourmillement humain qui animait les quais et les nombreux ponts de la grande ville ; et plus loin, les Tuileries, le Louvre et l’Hôtel de Ville ?

Le premier acte de ma pièce était déjà fort avancé lorsque arriva le nouvel an de 1862. Je fis à Mme de Metternich la visite que j’avais retardée jusque-là. Le princesse m’exprima avec une confusion bien naturelle ses