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ÉVOCATION MUSICALE DES « MAÎTRES CHANTEURS »

qu’une seule fois à m’entraîner dans l’Académie des Beaux-Arts où je n’avais jamais pénétré lors de mon premier séjour à Venise. Malgré la grande indifférence qui m’accablait alors, je dois reconnaître que l’Assomption de Titien me fit éprouver une sensation artistique extraordinaire qui me rendit brusquement toute ma force vitale.

Et je résolus d’écrire les Maîtres chanteurs.

Après avoir invité les Wesendonck et mon vieil ami Tessarin à un frugal déjeuner à l’« Albergo San Marco », après avoir renoué bonne connaissance avec la brave Luigia qui m’avait si bien soigné au « Palazzo Giustiniani », je quittai brusquement Venise, au grand étonnement de mes amis et au bout de quatre jours vraiment mélancoliques. Pour retourner à Vienne, je suivis la voie de terre avec ses longs détours en chemin de fer. Pendant ce trajet morose, j’eus la première évocation musicale des Maîtres chanteurs dont le poème, en sa conception primitive, était encore présent à mon esprit. Avec la plus grande précision, je créai immédiatement la partie principale de l’Ouverture en ut majeur.

Ce fait me rendit fort heureux et c’est dans cette disposition d’esprit que je débarquai à Vienne. J’annonçai mon retour à Cornélius par l’envoi d’une petite gondole que j’avais achetée pour lui à Venise et que j’accompagnai d’une Canzona versifiée dans un italien impossible. Mon intention de composer tout de suite les Maîtres chanteurs rendit Cornélius comme fou de joie et il resta dans cet état de véritable ivresse jusqu’au moment de mon départ de Vienne. Je mis immédiatement mon ami