Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

340
LA FAMILLE DU COMTE NAKO

avait profité des quelques jours précédant son départ pour me faire faire la connaissance du jeune prince Rodolphe de Lichtenstein, dont il était le médecin et l’intime et que ses amis appelaient familièrement « Rudi ». Il me l’avait dépeint comme passionné de ma musique. Après le départ de Standhartner, je rencontrai maintes fois le prince au restaurant de « l’Archiduc Charles » et nous convînmes d’aller ensemble faire une visite au comte Nako, dont le château de Schwarzau est situé à une certaine distance de Vienne. La jeune femme du prince nous accompagna dans ce voyage très agréable, qui se fit en partie en chemin de fer. Son mari et elle me présentèrent à la famille Nako. Le comte était remarquablement beau ; la comtesse me produisit l’effet d’une bohémienne cultivée : elle faisait de la peinture et, sur les murs, les preuves de son talent s’étalaient sous forme de colossales copies de Van Dyck. Il me fut plus pénible de l’entendre au piano ; elle me joua des airs bohémiens avec ce qu’elle appelait le véritable tempérament ; Liszt, prétendait-elle, les gâtait par son interprétation. Il paraît que la musique de Lohengrin les avait tous enchantés, j’en reçus l’assurance de quelques autres magnats venus en visite, entre autres du comte Zichy que j’avais vu à Venise. À Schwarzau j’appris à connaître la généreuse hospitalité hongroise, mais je ne pus trouver goût à la conversation des hôtes. Et bientôt, je me demandai ce que j’étais venu faire parmi ces gens.

On m’avait donné pour la nuit une agréable chambre d’ami ; le lendemain, au point du jour, je fis un voyage de reconnaissance dans cette belle propriété très bien soi-