Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

333
VOYAGE AVEC LES OLLIVIER

un orateur qui s’était adressé directement à moi. Les déjeuners qu’à l’Altenbourg Liszt offrait à des convives choisis étaient toujours fort agréables ; à l’un d’eux je portai la santé de la maîtresse de maison absente (la princesse de Wittgenstein). Un jour, nous prîmes le repas au jardin et j’eus la joie d’y rencontrer la bonne Frommann, qui, réconciliée avec Liszt, s’entretenait très judicieusement avec Ollivier.

Le moment de nous séparer arriva. Après une semaine très animée et très variée, j’eus la chance de pouvoir faire en compagnie de Blandine et d’Ollivier une grande partie de mon voyage vers Vienne. Ils avaient décidé d’aller voir Cosima à Reichenhall, où elle faisait une cure. En prenant congé de Liszt a la gare, nous parlâmes de Bülow, qui, pendant ces jours passés, s’était si brillamment distingué et qui était parti la veille. Nous nous répandîmes en éloges sur lui et j’ajoutai par plaisanterie qu’il n’aurait pas eu besoin d’épouser Cosima, à quoi Liszt répondit en s’inclinant légèrement : « C’était du luxe. »

Alors, nous autres voyageurs, c’est-à-dire Blandine et moi, nous fûmes pris d’une gaieté folle qui s’accentua toutes les fois qu’Ollivier, intrigué par nos éclats de rire, demandait avec curiosité : « Qu’est-ce qu’il dit ? » Car nous faisions nos plaisanteries en allemand. Mais Ollivier supportait de bon cœur notre exubérante humeur. Nous ne lui répondions en français qu’à propos du « tonique et du jambon cru » qui semblaient former son régime et qu’il réclamait constamment. Nous n’arrivâmes que bien après minuit à Nuremberg où nous étions forcés de passer la nuit. Nous eûmes grand’peine à nous faire conduire